DOUAI : Une exposition sur les carnets d’Achille Bourgin.

Durant 4 années de guerre, Achille Bourgin, a vécu dans la clandestinité en se confiant dans le grenier de ses parents afin de se soustraire au travail forcé en Allemagne. Dans ses carnets, il décrit au jour le jour la ville de Douai occupé par les Allemands. Ce Douaisien nous offre des notes et des dessins et détaille la vie quotidienne des Douaisiens lors de la Grande Guerre.

Découvrez l’histoire des carnets d’Achille, qui plus de 100 ans après leur rédaction sont de retour dans leur ville d’origine.

LA DÉCOUVERTE DES CARNETS

Un matin de novembre dans les années 2018, lors d’une matinée de triage des dons à Emmaüs Longjumeau en région parisienne, Giorgio expatrié géorgien hébergé à la communauté Emmaüs de Longjumeau, découvre des carnets disposés au fond d’un sac plastique.

Intrigué par ces ouvrages, Giorgio s’empresse de les apporter au responsable du tri des livres à savoir : Alain Jacquet. Captivé par la singularité de ces carnets richement illustrées et soigneusement manuscrites.

Ils découvrent qu’il s’agit en réalité d’un journal de bord en 9 volumes tenu par Achille Bourgin, un postier de Douai (Nord) qui relate le conflit de la grande guerre de 1914 à 1918 de l’intérieur.

Il entame alors la lecture de ces carnets et décide de contacter la presse afin de rechercher les personnes qui les ont déposés afin d’en savoir plus sur Achille et ses écrits.

Fin 2018, une journaliste du Parisien accepte de publier un article mais personne ne se manifeste. Tout en continuant à lire les écrits d’Achille, il s’interroge sur son destin d’après-guerre et comment ses carnets ont été conservés toutes ces décennies et comment écrits à Douai ils sont arrivés à Longjumeau.

L’archiviste de Douai prend connaissance de l’article du Parisien et décide de les acquérir (le bénéfice de la vente contribue au développement du cadre de vie des pensionnaires de la communauté et par la même occasion, ces archives privées enrichissent l’histoire locale de Douai).

PORTRAIT D’UN POSTIER DOUAISIEN

Qui est donc Achille Bourgin ?

Achille Bourgin est né le 17 décembre 1881 à Rostrenen en Côtes-du-Nord (appelées actuellement Cotes-d’Armor). Avec sa maman (Louise Délivré), ils suivent le père (Jean Achille Bourgin) durant ses nombreuses mutations puisqu’il a occupé plusieurs postes en tant que dessinateur de travaux de l’État en Côtes-du-Nord, employé des Ponts-et-Chaussées à Soissons, investisseur à Douai dans la société photographique du Nord, entre autres.

En 1902, Achille intègre l’administration des Postes et Télégraphe et débute ainsi au bureau de Sin Le Noble. Suite à cela, en 1904, il rejoint en qualité de commis le service des Postes et Télégraphe de Douai. En ce lieu, il y fait la rencontre d’Augusta Vaillant (fille d’Auguste Vaillant, officier d’administration d’artillerie et chevalier de la légion d’honneur). Ils se marient à Douai le 17 mai 1909 et donneront naissance à Yvonne le 19 février 1910.

Quatre an plus tard, Achille est contraint de quitter la ville par son administration. Il y revient le 1er octobre 1914, n’étant pas mobilisé à cause de sa santé fragile. Néanmoins, il reste astreint à l’obligation du recensement des hommes en âge de travailler au profit de l’Allemagne. Souhaitant se substituer à cette règle, Achille décide de vivre clandestinement malgré les sanctions qu’il encourt. Écrire dans ses carnets lui permet d’exprimer son patriotisme et d’extérioriser sa haine envers les Allemands.

L’OCCUPATION DE DOUAI PAR LES ALLEMANDS

Due à sa position stratégique, Douai est occupée par les Allemands dès 1914. Les Douaisiens sont contraint d’héberger chez eux les soldats et les autorités Allemandes y compris les parents d’Achille.

Achille raconte dans ses carnets que les soldats qu’il nomme «les logeurs» se relayaient dans le bureau et la salle à manger pendant que lui était caché dans le grenier. Des recensements ont été rendus obligatoires Place du Barlet afin de mobiliser la population masculine pour travailler en Allemagne.

Les habitants ont eu des règles strictes à respecter sous peine d’amendes et de peines de prisons pour non-respect des règles: ils étaient obligés de balayer les rues tout les matins, un couvre feu était instauré, les horloges ont été mises à l’heure Allemande et ils ne pouvaient pas sortir de la ville.

Les Allemands ont ensuite perquisitionné dans Douai tout ce dont ils avaient besoin (pendule, candélabre, argenterie, baignoire etc…) et ce qui n’était qu’au début une réquisition contre indemnité s’est transformé en vandalisme. Par conséquent, les parents d’Achille ont été raflés à plusieurs reprises.

Dans ses carnets, Achille relate les pillages dont ont été victime les Douaisiens. D’ailleurs lui et son épouse ont préférés détruire des objets en cuivre venant de leur fiançailles plutôt que de se faire rafler.

PÉNURIE ALIMENTAIRE

L’Alimentation est devenue rapidement une problématique centrale pour les Douaisiens et les soldats allemands puisque la nourriture est devenue insuffisante à Douai.

« Ici, on crève littéralement de faim ». Le prix des denrées n’a cessé d’augmenter, certains produits étant même devenus «introuvables».

Achille a retracé avec précision l’évolution du prix des vivres dans ses carnets (exemple :le prix de la livre de beurre qui a été multiplié par 29,6 et le prix du sucre par 26 entre 1914 et 1918) et a noté quels aliments étaient disponibles «au marché», «chez l’épicier» mais aussi «en cachette».

Les réquisitions et réglementations relatives à la nourriture mise en place par l’occupant ont ainsi participé à la pénurie alimentaire dont ont été victime les Douaisiens et ont eu un impact physique et psychologique majeur sur les habitants. Achille et sa famille l’ont vécu puisqu’ils ont été victimes de cholérine et d’anémie. Selon Achille, les Douaisiens étaient méconnaissable en 1918.

Le Comité de Distribution d’Alimentation a permit d’instaurer un système de rationnement au sein de la population. À partir des produits distribués, des recettes de substitution ont été imaginées. Face à la quantité restreinte de nourriture distribuée, Achille a trouvé une parade en inscrivant sa fille à deux adresses pour bénéficier d’une ration et ainsi survivre.

ÉVACUATION DES DOUAISIENS

Les Allemands se sont rapproché de Douai fin août 1914 et ont créé la panique dans la ville amenant de nombreux Douaisiens à se rendre vers la gare dans l’espoir d’échapper à l’invasion. Achille a été témoin du départ précipité du sous-préfet et du receveur.

Que ce soit par volontariat ou par force, les déplacements de la population ont rythmés les quatre années d’occupation.

À partir de 1915, les Douaisiens les plus fragiles qui étaient considérés comme des «bouches inutiles» ont été évacués. L’Exil le plus important de plus de 14 000 Douaisiens a eu lieu dès l’avis d’évacuation générale du 2 septembre 1918.

Munis de sa carte d’identité, Achille ainsi que sa famille ont quitté Douai et ont séjourné à Frais-Marais, Bouvignies puis Hasnon. Ses parents et sa sœur ont été évacués en Belgique et il a malheureusement perdu sa mère et sa sœur tuées par un obus. Il est rentré à Douai le 5 Novembre 1918.

Tout au long du conflit, des déplacements de population ont eu lieu sous diverses formes. Les malheureux ont été envoyés à proximité du front condamnés à travailler pour l’ennemi. Achille évoque le cas d’un voisin, qui malgré son âge avancé, a été réquisitionné en octobre 1916.

Les Allemands, afin de maintenir les Douaisiens sous leur joug, ont constitués en 1916 et 1917 des groupes d’otages. Un article annexé au journal d’Achille mentionne une liste de notables déportés au camp de Holzminden.

LES NOMBREUSES SOURCES VARIÉES D’ACHILLE

Achille a bénéficié de plusieurs sources dont la principal fut son père qui était libre de déambuler dans Douai.

Ses collègues des PTT lui rendant visite ont également été sources d’informations sans compter sur les articles de presses qui l’ont renseigné. Grâce à des proches et des employés de la mairie qui faisent circuler des documents, il s’est procuré des coupures. Durant le conflit il s’est notamment perfectionné en Allemand ce qui lui a permit de traduire la presse allemande comme le Kölnische Zeitung.

À ce jour l’hypothèse la plus vraisemblable concernant l’écriture des carnets d’Achille est qu’il aurait rédigé ses observations entre 1914 et 1918 sous forme de notes. Il les auraient recopiées quotidiennement dans ses carnets durant la guerre. En 1920, il aurait complété des parties restées vacantes à partir de ses prises de notes restantes.

L’EXPOSITION

L’Exposition retraçant l’histoire des carnets d’Achille Bourgin, la première guerre mondiale à Douai vue par Achille, l’occupation, la pénurie alimentaire et l’évacuation des Douaisiens sera disponible aux archives municipales de Douai.

Une version «itinérante» de cette exposition en 2023 sera également proposée gratuitement aux structures et institutions (écoles, maisons de retraite, associations etc.) qui en feront la demande.

– Exposition Les Carnets d’Achille du 10 octobre 2022 au 30 Décembre 2022 du lundi au vendredi de 14h à 17h30 aux archives municipales de Douai (45 rue de l’Université, 03 27 93 58 47).

– Visites guidées de l’exposition les mercredis 12 octobre, 9 novembre et 7 décembre à 11h (durée 1h sur réservation 10 personnes maximum).

Entrée libre et gratuite.

À noter qu’un livre Les Carnets d’Achille accompagne l’exposition. L’ouvrage est proposé à la vente lors de l’exposition pour la somme de 18 euros.

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